Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme

NOR : ECET0828284P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2009/1/31/ECET0828284P/jo/texte
JORF n°0026 du 31 janvier 2009
Texte n° 23

Version initiale



  • Monsieur le Président,
    Le 4° de l'article 152 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de sa publication, des mesures adaptant la législation au droit communautaire, en particulier pour la transposition de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et de la directive 2006/70/CE de la Commission, du 1er août 2006, portant mesures de mise en œuvre de la directive 2005/60/CE.
    Cette habilitation permet également au Gouvernement de prendre des mesures pour rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que des dispositions pour faciliter la mise en œuvre des mesures de gel des avoirs non terroristes décidées en application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne.
    La présente ordonnance, qu'il vous est proposé de prendre, est fondée sur cette habilitation.


    I. ― PRÉSENTATION GÉNÉRALE


    La lutte contre les flux financiers illicites est devenue une priorité pour tous ceux qui appellent de leurs vœux une maîtrise de la globalisation financière, qui offre de larges opportunités aux organisations criminelles transnationales. Le blanchiment d'argent est au cœur même de presque toutes les activités criminelles, qui représentent aujourd'hui une menace des plus importantes, aussi bien en termes de sécurité intérieure que de stabilité économique en raison de la grande volatilité de ce type de fonds.
    Par ailleurs, la montée du terrorisme international ces dernières années suscite à travers le monde des sentiments mêlant à la fois l'indignation et l'horreur. Elle appelle les nations du monde à se mobiliser contre le terrorisme. Il convient en particulier d'accroître la surveillance des circuits financiers susceptibles de financer le terrorisme ainsi que du blanchiment qui constitue un des fondements structurels et logistiques sans lequel la préparation et la réalisation de tels crimes ne seraient pas possibles, et de tout mettre en œuvre afin d'identifier ou de bloquer tous flux suspects.
    Face à ces réalités, les Etats doivent se doter d'instruments de régulation efficaces afin d'assurer la transparence dans le déroulement des opérations financières et le respect de l'égalité entre acteurs de l'économie. La France, qui est l'un des pays fondateurs du GAFI, le Groupe d'action financière contre le blanchiment et le financement du terrorisme créé en 1989 à l'occasion du Sommet de l'Arche du G7, est l'un des premiers pays à s'être inquiété du développement de cette délinquance financière et dispose d'un arsenal réglementaire et juridique d'ores et déjà conséquent pour lutter contre le blanchiment des capitaux.
    Or, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme s'inscrivent généralement dans un contexte international ; c'est pourquoi des mesures adoptées aux seuls niveaux national ou même communautaire, sans coordination ni coopération internationales, auraient des effets très limités. De plus, au fur et à mesure que les Etats développent leurs outils pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, les criminels adaptent leurs techniques. C'est pourquoi la Communauté européenne intègre régulièrement dans son corpus juridique les modifications apportées aux recommandations du GAFI. Il en est ainsi de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme qui abroge les deux premières directives européennes adoptées en la matière en 1990 et 2001 et renforce le dispositif existant en le conformant aux recommandations révisées du GAFI en 2003 qui ont adapté le dispositif préventif à l'évolution de la criminalité organisée et des organisations terroristes en mettant en œuvre une approche moins légaliste et surtout plus concrète et pragmatique fondée sur le risque.
    La lutte contre le blanchiment des capitaux concerne non seulement les établissements bancaires et financiers mais aussi les professions non financières. Ainsi, la fin des années 90 et le début des années 2000 ont été marqués par un élargissement des obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme aux professions juridiques indépendantes, aux commissaires aux comptes et aux comptables, aux agents immobiliers, aux marchands d'articles de grande valeur tels que pierres et métaux précieux, aux casinos, aux cercles de jeux et aux sociétés de jeux de hasard.
    La présente ordonnance a pour objet, d'une part, de transposer la directive 2005/60 dite « troisième directive anti-blanchiment » ainsi que sa directive d'application, la directive 2006/70/CE de la Commission du 1er août 2006 portant mesures de mise en œuvre de la directive 2005/60/CE pour les recommandations du GAFI qui relèvent du premier pilier de la Communauté, et, d'autre part, de conformer le dispositif français aux autres recommandations du GAFI qui ne relèvent pas du premier pilier. La conformité du dispositif préventif français sera évaluée par ses pairs, dans le cadre du GAFI, en 2009.
    A l'occasion de cette ordonnance, le Gouvernement a opté pour une remise à plat du dispositif actuel, qui résulte de l'empilement de réformes successives qui ont abouti à un mille-feuille réglementaire complexe, pour lui redonner une cohérence globale.


    II. ― PRÉSENTATION DÉTAILLÉE


    • Article 1er.
      La législation actuelle interdisant le paiement en espèces de créances dépassant certains montants étant complexe et mal adaptée aux objectifs de lutte contre la fraude fiscale et contre le blanchiment d'argent, l'article 1er de la présente ordonnance propose de la rationaliser et de la simplifier. Il répond en cela à la troisième directive anti-blanchiment qui impose un contrôle pour les paiements en espèces supérieurs à 15 000 € et incite à l'interdiction des paiements en espèces au-delà d'un certain montant, en prévoyant qu'en cas contraire les Etats membres doivent soumettre l'ensemble des personnes physiques ou morales négociant des biens à titre professionnel non seulement à l'ensemble des obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme mais aussi à un contrôle par une autorité de contrôle du respect de leurs obligations. C'est pourquoi, afin de restreindre le champ d'application de la directive, et permettre ainsi un meilleur contrôle des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, il convient de prévoir une interdiction générale de paiement en espèces au-delà d'un montant fixé par décret.
      Pour ce qui concerne les bureaux de change, l'article 1er (articles L. 520-1 à L. 520-7 du code monétaire et financier) de la présente ordonnance les assujettit à un dispositif d'agrément d'exercer. Seuls les établissements qui exercent des opérations de change manuel à titre occasionnel ou pour des montants limités demeurent soumis à un régime déclaratif de leur activité. Pour les autres personnes, l'autorisation sera délivrée par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) qui vérifiera notamment l'honorabilité des dirigeants et des actionnaires ou associés à plus de 25 %.


      Article 2.

      Chapitre Ier. ― Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.


      Section 1. Personnes soumises à une obligation de déclaration au procureur de la République.

      Cette section maintient le dispositif actuel de l'article L. 561-1 du code monétaire et financier selon lequel les personnes, autres que celles soumises au dispositif de prévention contre le blanchiment et le financement du terrorisme, qui, dans l'exercice de leur profession, savent que des opérations financières portent sur des sommes provenant d'une infraction passible de plus d'un an de prison sont tenues de les déclarer au procureur de la République. Celui-ci en informe alors le service TRACFIN.

      Section 2. Personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
      Cette section porte d'abord sur le champ des professions assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La liste des professions assujetties reprend en grande partie celle actuellement en vigueur et comprend à la fois les professions financières et des professions non financières. Dans cette dernière catégorie, seules ont été ajoutées les sociétés de domiciliation qui sont couvertes par la troisième directive anti-blanchiment en tant que prestataire de service aux sociétés et fiducies et qui, de par leur activité, jouent un rôle important dans la traçabilité des personnes et de leurs fonds.
      Cette section précise également les conditions dans lesquelles les professions juridiques sont soumises à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il convient de rappeler ici que toutes les professions juridiques y sont soumises depuis la transposition de la deuxième directive anti-blanchiment par la loi du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques. Toutefois, ce dispositif est très encadré, notamment pour les avocats qui ne sont soumis aux obligations de vigilance, de déclaration de soupçon et de droit de communication à TRACFIN que pour certaines activités de la profession et lorsqu'ils agissent en qualité de fiduciaire. Ces obligations ne s'appliquent pas, s'agissant des avocats, des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et des avoués, pour les activités de la profession qui se rattachent à une procédure juridictionnelle. Elles ne s'appliquent pas non plus aux informations recueillies à l'occasion d'une consultation juridique, à moins que le client ne souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment de capitaux.
      Enfin, il est prévu à cette section que les personnes physiques ou morales qui exercent une activité financière à titre accessoire sont exemptées des obligations. La liste de ces activités sera définie par décret en Conseil d'Etat ; il s'agira notamment des activités de change proposées par les hôtels ou campings.

      Section 3. Obligations de vigilance à l'égard de la clientèle.
      Cette section est consacrée à la définition des obligations de vigilance à exercer à l'égard de la clientèle. L'article L. 561-5 du code monétaire et financier pose comme principe de base le fait que le professionnel doit identifier son client et, le cas échéant par la mise en œuvre de moyens adaptés, le bénéficiaire effectif de la relation d'affaires ; il peut s'agir, d'une part, des principaux actionnaires des personnes morales ou, d'autre part, de la personne pour le compte de laquelle le client agit. A défaut de cette identification, le professionnel ne peut pas entrer en relation d'affaires ou doit y mettre fin. En outre, le professionnel doit déterminer l'objet et la nature de la relation d'affaires et assurer un suivi régulier de celle-ci (article L. 561-6 du code monétaire et financier). Ces informations doivent ensuite être conservées pendant cinq ans, afin d'en assurer la traçabilité (article L. 561-12).
      Toutefois, en vertu du principe de l'approche par les risques, ces obligations de vigilance peuvent être modulées à la baisse ou à la hausse en fonction du risque de blanchiment ou de financement du terrorisme que présentent le client, le produit ou la nature de la relation d'affaires. A cette fin, un décret d'application établira les critères qualifiant les produits ou les clients présentant des faibles risques, ainsi que la nature des vigilances renforcées que le professionnel devra mettre en œuvre pour les clients ou les produits énoncés dans la loi comme présentant un risque élevé. En dehors de ces situations précises, le professionnel pourra également établir sa propre politique de gestion des risques et ajuster l'intensité de ses vigilances en fonction du risque que présente le client ou le produit, et ce sous le contrôle de son autorité de contrôle ou de supervision (articles L. 561-9 et L. 561-10). En outre, afin d'éviter la répétition des procédures d'identification des clients qui serait source de retard des transactions, la présente ordonnance autorise les professionnels financiers à se reposer sur les procédures d'identification de la clientèle effectuées par un autre professionnel assujetti qui lui apportera un nouveau client (article L. 561-7). Dans ce cas, le professionnel assujetti demeure responsable de la qualité des données d'identification ainsi recueillies et assure un suivi régulier de cette nouvelle relation d'affaires.

      Section 4. Obligations de déclaration.
      Cette nouvelle section porte sur les obligations de déclaration. Conformément aux dispositions prévues par la troisième directive anti-blanchiment, la présente ordonnance étend ainsi le champ de la déclaration de soupçon au service TRACFIN, aujourd'hui limité aux sommes ou opérations qui pourraient provenir de certaines formes de criminalités d'exception (trafic de stupéfiants, criminalité organisée, financement du terrorisme, fraude aux intérêts des Communautés européennes) aux sommes ou opérations qui pourraient provenir de toute infraction passible d'une peine de prison supérieure à un an ou qui pourraient participer au financement des activités terroristes. Ainsi étendu à la délinquance de droit commun, le champ de la déclaration de soupçon couvrira désormais la fraude fiscale, passible d'une peine de prison maximale de cinq ans. Cependant, compte tenu de la complexité de cette fraude, la présente ordonnance propose d'assister les professionnels dans la détection de cette infraction par la définition de critères définis par décret (article L. 561-15 II).
      En principe, le professionnel effectue la déclaration auprès du service TRACFIN avant de réaliser l'opération ou la transaction dont il soupçonne qu'elles pourraient participer au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme. Toutefois, la déclaration auprès du service TRACFIN peut s'effectuer après la réalisation de l'opération lorsque le soupçon est apparu postérieurement au professionnel, lorsqu'il était impossible de surseoir à l'exécution de l'opération, que ce soit pour des motifs juridiques ou des motifs techniques, ou si le report aurait pu faire obstacle aux investigations concernant le bénéficiaire d'une opération suspectée de blanchiment ou de financement du terrorisme (article L. 561-16).
      Pour l'ensemble des professionnels assujettis à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, la déclaration au service TRACFIN est directe. Cependant, pour les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats, lorsqu'ils n'agissent pas en qualité de fiduciaire, ou les avoués près les cours d'appel, la déclaration se réalise respectivement par l'intermédiaire du président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, du bâtonnier de l'ordre auprès duquel l'avocat est inscrit ou du président de la compagnie dont relève l'avoué, qui devront vérifier que les professionnels ont transmis cette déclaration dans le strict cadre de leur assujettissement au dispositif de prévention contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (article L. 561-17).
      La présente ordonnance pose par ailleurs le principe de la confidentialité de la déclaration auprès du service TRACFIN, dont l'occurrence et le contenu ne peuvent pas être révélés par le déclarant au propriétaire des sommes ou à l'auteur de l'opération concernée, ni à un tiers sous peine de sanctions pénales. Seuls les autorités de contrôle, les ordres professionnels et le Conseil national des barreaux peuvent y avoir accès afin d'exercer leur mission de contrôle. Par ailleurs, afin de préserver l'anonymat et d'assurer la sécurité des déclarants, la déclaration au service TRACFIN n'est accessible à l'autorité judiciaire que sur réquisition auprès du service TRACFIN lorsqu'elle est nécessaire à la mise en œuvre de la responsabilité des organismes et personnes déclarants dès lors que l'enquête judiciaire fait apparaître qu'ils pourraient être impliqués dans le mécanisme de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qu'ils ont révélé (article L. 561-19).
      Toutefois, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme étant des problèmes d'envergure internationale, il convient de les combattre à l'échelle mondiale. C'est pourquoi la présente ordonnance autorise les organismes financiers, les compagnies financières et les compagnies holding mixtes qui appartiennent au même groupe et les professionnels du chiffre et du droit qui appartiennent au même réseau ou à la même structure d'exercice professionnel de s'informer mutuellement de l'existence et du contenu d'une déclaration de soupçon. Cependant, ces informations sont échangées dans un cadre strict, respectueux de la protection des données individuelles, entre les seules personnes habilitées et aux seules fins de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (article L. 561-20). Ces échanges d'informations sont également autorisés en dehors du groupe ou du réseau, mais uniquement entre des professionnels qui appartiennent à une même catégorie et lorsque ces informations portent sur un même client et une même transaction (article L. 561-21).
      Enfin, ce régime de prévention du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme requérant la participation active des professionnels assujettis, la présente ordonnance propose de renforcer la sécurité juridique du dispositif en prévoyant qu'aucune poursuite civile, ni aucune poursuite pour dénonciation calomnieuse ou atteinte au secret professionnel ne peut être intentée contre un professionnel assujetti qui a effectué de bonne foi une déclaration auprès du service TRACFIN. De même, sauf concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes, aucune poursuite pénale pour trafic de stupéfiants, recel ou blanchiment ne pourra être intentée contre le professionnel qui a effectué une opération suspecte dès lors qu'il a transmis une déclaration auprès du service TRACFIN conformément à la procédure. Enfin, s'agissant des établissements de crédits, leur responsabilité pénale ne pourra pas être mise en jeu pour l'ouverture d'un compte sur injonction de la Banque de France dans le cadre de la procédure du droit au compte, ni pour les opérations réalisées dans ce cadre dès lors que le client aura fait l'objet d'une déclaration auprès du service TRACFIN et de vigilances renforcées par l'établissement de crédit (article L. 561-22).

      Section 5. La cellule de renseignement financier nationale.
      Cette section est consacrée au service TRACFIN.
      En tant que cellule de renseignement financier, le service TRACFIN recueille, analyse et enrichit les déclarations émises par les professionnels assujettis et saisit par note d'information le procureur de la République des faits susceptibles de relever du blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme, réserve faite de l'hypothèse où la fraude fiscale constituerait la seule infraction sous-jacente à ce blanchiment (article L. 561-23). Pour remplir cette mission, le service TRACFIN est doté de pouvoirs étendus. Il peut, d'une part, retarder de deux jours ouvrables l'exécution d'une opération qui lui a été déclarée par un professionnel et demander au président du tribunal de grande instance de Paris de proroger ce délai ou d'ordonner le séquestre provisoire des fonds, comptes ou titres concernés par la déclaration (article L. 561-15). Il dispose, d'autre part, d'un droit de communication des pièces conservées par les professionnels assujettis. Pour les organismes financiers, ce droit de communication peut même s'exercer sur place. Pour les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats, lorsqu'ils n'agissent pas en qualité de fiduciaire, et les avoués, ce droit de communication s'exerce uniquement par l'intermédiaire du président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, du bâtonnier de l'ordre auprès duquel l'avocat est inscrit ou du président de la compagnie dont relève l'avoué (article L. 561-26). En outre, le service TRACFIN peut recevoir d'initiative ou obtenir des administrations et de tout autre organisme ou personnel chargé d'une mission de service public toutes informations qui lui sont nécessaires à l'accomplissement de sa mission de cellule de renseignement financier (article L. 561-27). Enfin, le service TRACFIN peut échanger des informations avec les cellules de renseignement financier étrangères (article L. 561-31) et communiquer des informations pertinentes à l'administration des douanes, aux services de police judiciaire, aux services de renseignement spécialisés et aux services fiscaux (article L. 561-29).
      Lorsque le service TRACFIN saisit le procureur de la République de faits susceptibles de relever du blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme, ce dernier doit l'informer en retour des suites qui sont réservées à cette saisine, afin d'en tenir informés les professionnels déclarants. Ce retour d'information doit permettre à TRACFIN d'actualiser ses connaissances des méthodes et techniques utilisées par les blanchisseurs et les financeurs du terrorisme et de les diffuser en retour aux professionnels assujettis aux obligations de vigilance et à leurs autorités de contrôle (article L. 561-30).

      Section 6. Procédures et contrôle interne.
      Cette section porte sur les procédures et les contrôles internes que les professionnels assujettis devront mettre en œuvre pour assurer une mise en œuvre efficace des mesures de prévention. Elle prévoit donc la mise en œuvre de systèmes d'évaluation et de gestion des risques de blanchiment et de financement du terrorisme, la diffusion de procédures et d'informations régulières à l'ensemble des membres de leurs personnels concernés et la formation de ces derniers (articles L. 561-32 et L. 561-33). En outre, cette section prévoit que les organismes financiers devront appliquer des mesures de prévention au moins équivalentes à celles prévues par la loi dans l'ensemble de leurs succursales situées à l'étranger (article L. 561-34).

      Section 7. Les autorités de contrôle et les sanctions administratives.
      Conformément à la directive 2005/60, chaque professionnel assujetti aux mesures de prévention contre le blanchiment et le financement du terrorisme doit faire l'objet d'un contrôle du respect de ces mesures, assorti d'un pouvoir de sanctions disciplinaires efficaces, proportionnées et dissuasives. Ainsi, l'article L. 561-36 propose, s'agissant des organismes financiers, de confier ce pouvoir à la Commission bancaire, à l'Autorité des marchés financiers et à l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Les professions juridiques indépendantes seront quant à elles contrôlées par leurs ordres professionnels, selon les principes actuellement en vigueur dans chacun de ces ordres. La désignation de l'autorité administrative compétente pour contrôler les agents immobiliers, sociétés de domiciliation, casinos et cercles de jeux et les sociétés de jeux de hasard est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat.


      Section 8. Droit d'accès indirect aux données.

      Les professions assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme étant amenées à créer et gérer des traitements de données personnelles, cette section adapte les obligations de vigilances contre le blanchiment et le financement du terrorisme que les professionnels doivent mettre en œuvre au respect de la loi informatique et libertés. Il crée ainsi un droit d'accès indirect des clients aux informations à caractère personnel collectées par les professionnels assujettis aux obligations de vigilance. Les données pourront ensuite être communiquées au requérant par la CNIL, en accord avec le service TRACFIN et après avis du responsable du traitement. Cette procédure permettra de garantir que cette communication de données à caractère personnel ne sera pas susceptible de révéler l'existence d'une déclaration de soupçon ou l'occurrence de l'exercice d'une demande d'information sur le client par le service TRACFIN.

      Article 3.
      La loi n° 2006-64 du 26 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme a instauré une procédure de gel des avoirs de personnes physiques ou morales qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme.
      La présente ordonnance étend cette procédure de gel au-delà du terrorisme aux cas des sanctions financières internationales décidées en application des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne. En effet, ces décisions politiques n'entrent en œuvre qu'après l'adoption d'un règlement européen, dont la négociation nécessite parfois plusieurs mois. De tels délais autorisent donc l'évasion des fonds présents sur le territoire. C'est pourquoi l'article 3 de l'ordonnance autorise le Gouvernement à geler par décret les fonds des personnes physiques ou morales désignées par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ou par une position commune du Conseil.
      L'article 11 de la présente ordonnance autorise quant à lui l'accès des agents du ministère des finances chargés de l'application des mesures de gel des avoirs au fichier national des comptes bancaires (FICOBA), qui recense les ouvertures, modifications et clôtures de comptes bancaires. Cette mesure permettra de faciliter la détection des comptes qui font l'objet d'une mesure de gel des avoirs.


      Articles 4 à 8.
      Les articles 4 à 8 de la présente ordonnance sont consacrés aux dispositions pénales qui, pour l'essentiel, reprennent les dispositions d'ores et déjà prévues par le régime actuel de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
      L'article 4 prévoit des sanctions pénales pour les personnes qui exerceraient sans autorisation la profession de changeur manuel, pour celles qui utiliseraient une dénomination, une raison sociale, une publicité ou d'une façon générale des expressions faisant croire qu'elles sont autorisées en qualité de changeur manuel et pour celles qui ne respecteraient pas leur obligation de déclaration de leur activité ou communiqueraient des informations inexactes à la Commission bancaire, chargée d'exercer le contrôle administratif sur cette profession. L'article 7 prévoit les sanctions disciplinaires à l'égard des changeurs manuels.
      L'article 5 prévoit des sanctions pénales pour les dirigeants des établissements soumis au contrôle de la Commission bancaire qui ne répondraient pas, après mise en demeure, aux demandes d'informations de la Commission bancaire ou qui feraient obstacle à l'exercice par celle-ci de sa mission de contrôle ou qui lui communiqueraient des informations inexactes. De même, des sanctions pénales sont prévues pour les agents immobiliers, les représentants légaux et directeurs responsables des casinos, des groupements et cercles de jeux et des sociétés de jeux qui ne se soumettraient pas aux inspections anti-blanchiment de la cellule d'inspection du service TRACFIN ou qui feraient obstacle à l'exercice par celle-ci de sa mission de contrôle. En outre, il est prévu que les dispositions du code pénal qui répriment les actes de résistance, d'outrage et de violence contre les dépositaires de l'autorité publique sont applicables à ceux qui se rendent coupables de faits de même nature à l'égard des agents de la cellule d'inspection du service TRACFIN.
      L'article 6 modifie l'article actuel L. 574-1 du code monétaire et financier dans la mesure où il étend le régime de sanctions pénales prévues en cas de méconnaissance de l'interdiction de divulgation de l'existence d'une déclaration de soupçon ou d'un droit de communication du service TRACFIN à tous les professionnels assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.


    • L'article 9 de la présente ordonnance prévoit, conformément aux dispositions prévues par la directive 2005/60, une procédure d'agrément des sociétés de domiciliation permettant de s'assurer de l'honorabilité et de l'aptitude de leurs gestionnaires et de leurs actionnaires pour éviter tout risque de détournement de ces sociétés aux fins de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. Le code de commerce est ainsi modifié de façon à prévoir une procédure d'agrément de ces sociétés par le préfet, à qui il appartient de vérifier que ses dirigeants et actionnaires ou associés à plus de 25 % des voix ou des parts n'ont pas fait l'objet de condamnation définitive, notamment en matière de criminalité financière. En outre, la présente ordonnance prévoit des sanctions pénales en cas d'exercice de l'activité de domiciliation sans agrément.
      L'article 10 de la présente ordonnance étend les compétences de contrôle du Conseil des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sur ces dernières au respect du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.


    • L'article 11 prévoit un circuit d'information spécifique pour le délit de blanchiment de fraude fiscale lorsqu'une déclaration de soupçon a été faite auprès du service TRACFIN. Dans ce cas, le ministre chargé du budget transmet au procureur de la République les informations sur des faits susceptibles de relever du blanchiment du seul produit de l'infraction de fraude fiscale après avis conforme de la commission des infractions fiscales. Cet avis porte sur le caractère raisonnablement suffisant des soupçons de fraude fiscale sous-jacente. Cette disposition permettra de rationaliser la poursuite des infractions de blanchiment de fraude fiscale engagée à la suite d'un signalement TRACFIN.
      L'article 12 de la présente ordonnance prévoit des dispositions sur le contrôle des actionnaires et associés des agents immobiliers soumis aux mesures de prévention contre le blanchiment et le financement du terrorisme (modification de la loi du 2 janvier 1970).
      Les articles 13 à 18 prévoient les compétences de contrôle des ordres professionnels sur les professions juridiques qui les concernent au respect du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.


    • Les articles 19, 20 et 21 de la présente ordonnance portent sur les dispositions transitoires. En particulier, ils prévoient des délais pour l'entrée en vigueur de certaines dispositions, notamment pour ce qui concerne les clients existants.
      Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
      Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

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