Loi n° 68-943 du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.

Dernière mise à jour des données de ce texte : 07 janvier 2012

Version en vigueur au 31 octobre 1968
  • Les dispositions de la présente loi fixent les mesures qui, en vertu de la convention relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire signée à Paris le 29 juillet 1960, de la convention complémentaire signée à Bruxelles le 31 janvier 1963 et des protocoles additionnels à ces conventions signées à Paris le 28 janvier 1964, sont laissées à l'initiative de chaque partie contractante.

  • Sont soumises aux dispositions de la présente loi les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, qui exploitent une installation nucléaire, civile ou militaire, entrant dans le champ d'application de la Convention de Paris et dont le régime a été défini par les décrets pris en application de l'article 8 de la loi n° 61-842 du 2 aôut 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs et portant modification de la loi du 19 décembre 1917.

    Un décret déterminera les modalités selon lesquelles un transporteur pourra demander à être substitué, en ce qui concerne la responsabilité prévue à l'article 4 de la présente loi, à l'exploitant d'une installation nucléaire avec l'accord de celui-ci, si ce transporteur remplit les conditions exigées par l'article 7.

  • La responsabilité encourue par l'exploitant en vertu de la Convention de Paris est étendue aux dommages provenant de rayonnements ionisants émis par une source quelconque de rayonnements se trouvant dans l'installation de l'exploitant.

    Cette responsabilité est étendue également aux dommages causés aux moyens de transport sur lesquels les substances nucléaires se trouvent au moment de l'accident.

  • Le montant maximum de la responsabilité de l'exploitant est fixé à 50 millions de francs pour un même accident, quel que soit le nombre des installations de cet exploitant sur un même site.

  • Au-delà du montant de la responsabilité de l'exploitant, les victimes sont indemnisées par l'Etat, dans les conditions limites fixées par la Convention complémentaire de Bruxelles.

    En ce qui concerne les installations à usage non pacifique, les victimes qui eussent été fondées à se prévaloir de la Convention de Bruxelles s'il s'agissait d'une installation à usage pacifique sont indemnisées par l'Etat sans que la réparation globale des dommages puisse excéder 600 millions de francs par accident.

  • Chaque exploitant est tenu d'avoir et de maintenir une assurance ou une autre garantie financière à concurrence, par accident, du montant de sa responsabilité. La garantie financière devra être agréée par le ministre de l'économie et des finances.

    Le ministre de l'économie et des finances, sur proposition du ministre chargé de l'énergie automique, est habilité à donner aux exploitants d'installations nucléaires la garantie de l'Etat, qui se substituera en tout ou en partie à une assurance ou à une autre garantie financière.

    L'assureur ou toute autre personne ayant accordé une aide financière ne peut suspendre l'assurance ou la garantie financière prévue au présent article, ou y mettre fin, sans un préavis de deux mois au moins donné par écrit au ministre chargé de l'énergie atomique.

  • Si les victime d'un accident nucléaire ne peuvent obtenir de l'assureur, du garant financier ou de l'exploitant, réparation de leurs dommages, la charge de celle-ci est subsidiairement supportée par l'Etat à concurrence du montant fixé à l'article 4 ci-dessus et sans préjudice de l'application de l'article 5.

  • Tout transport de substances nucléaires en transit sur le territoire national est subordonné à la justification d'une garantie au moins égale à 600 millions de francs.

    Un décret pourra prévoir des dérogations lorsque cette justification n'apparaît pas nécessaire, compte tenu de la nature des substances transportées et des conditions dans lesquelles s'effectue leur transport. La garantie alors exigée ne pourra en aucun cas être inférieure à celle prévue à l'article 4 ci-dessus. Au cas où, par suite de la dérogation accordée, cette garantie s'avérerait insuffisante pour réparer les dommages, la réparation au-delà de ladite garantie sera à la charge de l'Etat dans les limites et conditions prévues par la présente loi.

  • En ce qui concerne les dommages corporels, un décret pris sur le rapport du minsitre chargé de l'énergie atomique et du ministre des affaires sociales établira, en fonction de l'irradiation et de la contamination reçues et du délai dans lequel l'affection a été constatée, une liste non limitative des affections qui, sauf preuve contraire, sont présumées avoir pour origine l'accident.


    Ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012 article 7 : L'abrogation des dispositions énumérées à l'article 6 ne prendra effet qu'à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat codifiant les dispositions réglementaires correspondantes pour ce qui concerne les articles ou parties d'articles, les alinéas ou parties d'alinéas suivants : A l'article 10, les mots " un décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'énergie atomique et du ministre chargé des affaires sociales " (Fin de vigueur : date indéterminée).

  • Lorsqu'une installation est affectée principalement à une mission de service public, les dommages causés aux biens n'appartenant pas à l'exploitant qui se trouvent sur le site où est implantée l'installation à l'origine de l'accident et qui sont ou doivent être utilisés en rapport avec elle, sont réparés par l'Etat pour la partie excédant 25 millions de francs, dans la mesure où l'indemnisation de l'ensemble des victimes dudit accident, dans les conditions prévues par la loi n'atteint pas la limite de 600 millions de francs.

    Toutefois, le montant total des indemnités versées par l'Etat ne saurait être supérieur au montant des sommes que celui-ci aurait eu à supporter par application des articles 3 à 12 de la Convention complémentaire de Bruxelles, dans le cas d'un accident qui aurait entraîné des dommages atteignant 600 millions de francs.

  • Si, à la suite d'un accident nucléaire, il apparaît que les sommes maximales disponibles en application de la présente loi risquent d'être insuffisantes pour réparer l'ensemble des dommages subis par les victimes, un décret en conseil des ministres, publié dans un délai de six mois à compter du jour de l'accident, constate cette situation exceptionnelle et fixe les modalités de réparation des sommes visées aux articles 4 et 5 ci-dessus.

    Ce décret peut notamment définir des mesures de contrôle particulières auxquelles devra se soumettre la population pour déterminer les personnes qui ont pu avoir subi un dommage et peut fixer, eu égard à l'insuffisance des sommes mentionnées à l'alinéa précédent et à la priorité inscrite ci-dessous, les règles de calcul des indemnités susceptibles d'être allouées à chaque victime en réparation des dommages corporels ou matériels.

    Dans ce cas, les sommes disponibles prévues par la présente loi sont réparties selon les règles suivantes :

    a) Les dommages corporels sont réparés par priorité suivant des modalités déterminées par analogie avec la législation sur les accidents du travail ;

    b) Les sommes qui restent disponibles, le cas échéant, après cette première indemnisation, sont réparties entre les victimes proportionnellement aux dommages corporels restant à indemniser et aux dommages matériels subis, évalués selon les règles du droit commun.

  • La victime d'un dommage peut agir directement contre l'assureur de l'exploitant responsable ou contre toute personne ayant accordé sa garantie financière.

    Celui qui a indemnisé les victimes dispose des droits de recours reconnus à l'exploitant par les conventions visées à l'article 1er ci-dessus. Dans ce cas, l'Etat est remboursé par priorité des fonds qu'il aura été amené à verser.

  • Les actions en réparation se prescrivent par trois ans, soit à compter du moment où la victime a eu connaissance du dommage et de l'exploitant responsable, soit à compter du moment où elle a dû raisonnablement en avoir connaissance ; elles ne peuvent toutefois être intentées plus de dix ans à compter du jour de l'accident.

    Lorsque l'accident est survenu sur le territoire de la République française et si la Convention de Paris donne compétence à un tribunal français, l'Etat assure en outre l'indemnisation des dommages dont la réparation n'a pu être demandée parce que le dommage n'est apparu qu'après un délai de dix ans à compter du jour de l'accident. Le montant total des indemnités allouées à quelque titre que ce soit ne pourra, même dans ce cas, dépasser le montant d'indemnisation maximum prévu par la présente loi. L'action en réparation contre l'Etat devra être introduite dans un délai maximum de cinq ans après l'expiration de celui de dix ans fixé à l'alinéa précédent.

  • La présente loi ne déroge pas aux règles établies par les législations relatives aux assurances sociales et à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, et par les législations de même objet, particulières à certaines catégories professionnelles, notamment en ce qui concerne les recours.

    Dans tous les cas autres que celui où la victime étant au service de l'exploitant lors de l'accident nucléaire, a été indemnisée au titre d'un accident du travail ou de service proprement dit ou d'une maladie professionnelle, les recours sont exercés contre l'exploitant, son assureur ou les personnes lui fournissant une garantie.

    Si la victime était au service de l'exploitant lors de l'accident nucléaire et a été indemnisée au titre d'un accident du travail ou de service proprement dit, ou d'une maladie professionnelle, et si ledit accident a été causé par une personne autre que l'exploitant ou ses préposés, la victime et l'organisme qui lui a versé les prestations sociales exercent contre l'exploitant le recours dont ils disposent contre l'auteur de l'accident.

    Les recours s'exercent dans les limites et dans les conditions prévues aux articles 4 et 5 ci-dessus.

  • En toute hypothèse, les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des actions intentées en application de la présente loi.

    En aucun cas, la juridiction répressive, éventuellement saisie, ne peut statuer sur l'action civile.

  • Sera puni d'un emprisonnement de deux à six mois et d'une amende de 10 000 à 100 000 F, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura contrevenu aux dispositions des articles 7 et 24 de la présente loi.

    Lorsqu'un procès-verbal d'infraction aux dispositions desdits articles 7 et 24 aura été dressé, le minitre chargé de l'énergie atomique et, éventuellement, le ministre dont relève l'établissement pourront suspendre l'activité de l'installation jusqu'à régularisation.

  • La présente loi est applicable aux territoires d'outre-mer, sous réserve :

    1° En ce qui concerne le territoire français des Afars et des Issas, de la compétence de la Chambre des députés de ce territoire telle qu'elle résulte de l'article 31 de la loi n° 67-521 du 3 juillet 1967 ;

    2° En ce qui concerne l'archipel des Comores, de la compétence de la Chambre des députés de ce territoire telle qu'elle résulte de l'article 7 de la loi n° 68-4 du 3 janvier 1968.

  • La présente loi entrera en vigueur dès la publication de la Convention de Paris au Journal officiel de la République française ; à cette date, les dispositions de la loi n° 65-955 du 12 novembre 1965, instituant à titre transitoire un régime spécial de responsabilité en ce qui concerne les accidents d'origine nucléaire, seront abrogées.

  • Jusqu'à la publication de la Convention de Bruxelles au Journal officiel de la République française, ou après son expiration, ou sa dénonciation par le Gouvernement de la République française, l'indemnisation complémentaire de l'Etat prévue par l'article 5, à concurrence de 600 millions de francs par accident, ne joue que pour les dommages subis sur le territoire de la République française.

Par le Président de la République : CHARLES DE GAULLE. Le Premier ministre, MAURICE COUVE DE MURVILLE. Le ministre d'Etat chargé des affaires sociales, MAURICE SCHUMANN. Le garde des sceaux, ministre de la justice, RENE CAPITANT. Le ministre des affaires étrangères, MICHEL DEBRE. Le ministre des armées, PIERRE MESSMER. Le ministre de l'économie et des finances, FRANCOIS ORTOLI. Le ministre de l'éducation nationale, EDGAR FAURE. Le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales, ROBERT GALLEY. Le ministre de l'industrie, ANDRE BETTENCOURT. Le ministre des transports, JEAN CHAMANT.

TRAVAUX PREPARATOIRES

Loi n° 68-943.

Assemblée nationale :

Projet de loi n° 642 ;

Rapport de M. Foyer, au nom de la commission des lois (n° 814) ;

Discussion et adoption le 16 mai 1968.

Sénat :

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, n° 180 (1967-1968) ;

Rapport de M. Mailhe, au nom de la commission des lois (n° 203) (1967-1968) ;

Discussion et adoption le 17 octobre 1968.

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